lundi 28 octobre 2013

L'art des castrats (3) : Max Emanuel Cencic

Que cet intitulé ne vous induise pas en erreur : Max Emanuel Cencic n'est pas un castrat ! Dieu merci - et le pape Clément XIV aussi (1705-1769+1774), qui interdit cette opération. Le dernier connu dans l'histoire fut Alessandro Moreschi (1858-1922) qui enregistra vers 1902-1904 plusieurs disques qui, vu la technique du temps, ne rendent que très imparfaitement justice à son art, loué à son époque.

Max Emanuel Cencic est un contre-ténor, qui comme ses confrères, devenus très nombreux à notre époque- le temps du génial Alfred Deller est bien loin -  tiennent principalement des rôles et chantent des airs destinés à des castrats au XVIIIe siècle. Croate d'origine, il a, à 2 ans près, l'âge de Philippe Jarousski.

On l'aura compris :  Philippe Jarousski et Max Emanuel Cencic sont mes contre-ténors préférés ; selon moi, ils sortent du lot dans la génération des trentenaires. Leurs voix, qui se marient parfaitement (comme on le verra en une autre occasion) ont pourtant des caractéristiques qui font qu'on ne peut pas vraiment les confondre. Celle de Jaroussky est plus cristalline, presque désincarnée : on a dit d'elle qu'elle était une voix angélique ; disons qu'elle plus près d'une voix d'enfant, comme l'étaient celles des castrats. Celle de Cencic est plus charnue, plus grave aussi (quoique capable de monter à de belles altitudes) et pourtant très pure. Et dans les deux cas, aucun vibrato - défaut dont j'ai personnellement horreur.

J'ai beaucoup hésité entre deux de ses disques. Je les ai maintes fois écoutés tous les deux... et je vais les recommander tous les deux.

Le premier :



Venezia. Operas Arias of the Serenissima
(ah ! cette mode des titres en anglais !)

Max Emanuel Cencic y est accompagné par le même orchestre Il Pomo d'oro, dirigé par le même chef Riccardo Minasi, que Franco Fagioli dont j'ai parlé dans mon précédent billet.
Et justement la comparaison est éloquente : Max Emanuel Cencic est suprêmement à l'aise dans les pyrotechnies vocales exigées dans les quatre airs de Vivaldi, qu'il chante avec brio et vigueur, sans jamais crier, sans aucune brutalité. Dans les autres airs dus à d'autres compositeurs moins ou pas du tout connus, sa voix se fait tendre et caressante.
L'alternance très étudiée des airs évite parfaitement toute satiété.
Et chose remarquable : l'orchestre accompagne parfaitement l'artiste dans toutes ses nuances. Preuve que dans son cas comme dans celui de Fagioli, c'est le choix du chanteur qui l'a emporté.

Et maintenant le second :



George Frideric Handel  Cencic Mezzo-Soprano Operas Arias.

Cette fois l'orchestre est I Barocchisti, avec il Coro della Radiotelevisa svizzera, tous dirigés par Diego Fasolis. Ensemble à mon avis meilleur que Il Pomo d'oro, non moins vif mais plus subtil.
La caractérisation de la voix de Max Emanuel Cencic est bien résumée par l’appellation "mezzo-soprano" qui figure sur la pochette du disque, je n'y reviens pas.
Le génie absolu de Haendel éclate dans les airs qui composent ce récital et où le talent ébouriffant de Max Emanuel Cencic se donne libre cours : airs tendres, airs amoureux, airs douloureux, airs de bravoure (dont deux avec chœurs) ... tous écrits, sauf deux (pour les cantatrices Diana Vico et surtout Margherita Durassimi) pour les meilleurs castrats du temps : Pellegrini, Andreoni, Carestini, Caffarelli et surtout Senesimo - tous à l'exception de Farinelli, qui chantait dans la troupe rivale.
Ce disque, à la fois par la musique et par l'art du chanteur, est un enchantement complet !


dimanche 27 octobre 2013

Anniversaire : épousailles royales

28 octobre 1533 : mariage du futur roi de France Henri II (fils de François Ier + 1547) avec Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII.

La mère de la reine Catherine était issue d'une ancienne lignée auvergnate, les La Tour d'Auvergne.



Henri II, Catherine de Médicis et la famille royale

vendredi 25 octobre 2013

Anniversaires: batailles et sacre

* 25 octobre 732  : bataille de Poitiers. Charles Martel et Eudes d'Aquitaine arrêtent l'invasion des Sarrazins (les Omeyyades, qui ont conquis l'Espagne). Beaucoup des guerriers survivants feront souche sur place, d'où la fréquence du patronyme Sarrazin dans le Poitou, le Limousin et l'Aquitaine.


* 25 octobre 1415 : bataille d'Azincourt. Les armées françaises sont écrasées par celle du roi Henri V, roi "de France et " d'Angleterre. C'est la 3e défaite française écrasante de la Guerre de Cent Ans, après Crécy (26 août 1346) et Poitiers ( 19 septembre 1356.).

* 25 octobre 1722 : sacre à Reims du roi Louis XV, à l'âge de 12 ans.



jeudi 24 octobre 2013

Anniversaire

Hugues Capet

Naissance au ciel le 24 octobre 996 d'Hugues Capet, né entre 939 et 941, 
roi des Francs, sacré à Noyon le 3 juillet 987.

Lui succède son fils Robert II, couronné à Orléans à Noël 987.

                                                          

                                                          

mardi 22 octobre 2013

L'art des castrats (2) : Caffarelli par Franco Fagioli



Le 9 septembre dernier Le Figaro publiait, sous le titre un peu raccrocheur mais exact quant au fond "Farinelli-Caffarelli : le duel des castrats", un article consacré à la double parution le même jour du disque de Philippe Jarousski que j'ai commenté le 17 septembre et de celui de Franco Fagioli que je présente aujourd'hui.
"Duel des castrats". Le journaliste ajoutait ceci :  "Les contre-ténors Philippe Jaroussky  et Franco Fagioli font renaître la rivalité qui opposait,  au XVIIIe siècle, les deux vedettes de l'opéra." Parmi un grands nombre de castrats à la mode (c'est au XVIIIe siècle que les castrats s'évadent de la chapelle Sixtine pour se produire sur les scènes des opéras et dans les cours royales), Farinelli et Caffarelli furent sans doute les plus réputés et les plus appréciés (et les mieux payés).
Duel ? Pas vraiment. Les deux hommes étaient aux antipodes l'un de l'autre. Ils avaient eu l'un et l'autre le même professeur, Porpora, et tous ceux étaient...castrés. Là s'arrête la similitude. Caffarelli était, lâchons le mot, une vraie peste. Vaniteux, envieux, coléreux, capricieux, égoïste... il rendait la vie impossible aux autres artistes qui se produisaient avec lui et, bien sûr, aux directeurs de théâtre qui devaient tant bien que mal gérer ses foucades imprévisibles. On a dit de lui qu'il était la "rock star" de son époque. Il était de plus très amateur de femmes, et particulièrement de femmes mariées (car contrairement à l'opinion commune la castration ne rend pas impuissant).
Bref, il était le contraire de Farinelli, ayant autant de défauts que ce dernier avait de qualités (voir mon billet du 17 septembre).
Un mot maintenant de Franco Fagioli, dont c'est le premier disque de récital. Un peu plus jeune que Philippe Jaroussky (32 ans contre 35 ans),ce contre-ténor argentin a été révélé en 2012 par le superbe opéra de Leonardo Vinci "Artaserse" (1730) dont les rôles masculins comme féminins, tous tenus par des hommes (comme au XVIIIe siècle en Italie), ne groupaient pas moins de 5 contre-ténors : les inévitables et admirables Philippe Jaroussky et Max-Emmanuel Cencic dans les rôles titres, auxquels s'ajoutaient Franco Fagioli, Valer Barna-Sabadus et Yuriy Mynenko, ainsi que, autre rôle titre, le ténor Daniel Behle. Au passage, je recommande vivement ce disque très excitant réalisé par Diego Fasolis à la tête du Concerto Köln et du chœur de la radiotélévision suisse de Lugano.
Franco Fagioli a ensuite participé à un enregistrement d’œuvres religieuses d'Agostino Steffani (1654-1728) réalisé par le même Diego Fasolis à la tête de son orchestre I Barocchisti et du même chœur de Lugano et paru au début de l'année - avec la participation de bien du beau monde : Cecilia Bartoli, Nuria Rial (admirable soprano), Daniel Behle, Julian Prégardien...entre autres. On y trouve en particulier des duos entre Cecilia Bartoli et Franco Fagioli où on dirait que ce dernier est l'écho de la diva jusque dans ses tics (le léger trémolo...). Bref, c'est très bien. Et les œuvres de ce prêtre compositeur contemporain de Vivaldi, très apprécié à son époque et complètement oublié de nos jours, sont admirables - et admirablement interprétées. Découvrez-les, vous ne le regretterez pas.
Venons-en au présent disque. J'ai lu à son sujet des commentaires enthousiastes. Je l'ai donc écouté à plusieurs reprises pour conforter mon opinion. Eh bien, je dois avouer que je me suis ennuyé à chaque fois ! Oh, bien sûr, Fagioli a une très belle technique, il réussit parfaitement les vocalises. L'ennui, c'est qu'il chante tout en force ; même ses acrobaties vocales sont "musclées". A plusieurs reprises il rivalise dans ses duos avec une trompette : eh bien sa voix est aussi éclatante, je dirai explosive, qu'elle.
Ce qui n'arrange rien, c'est que l'orchestre "Il pomo d'oro" dirigé par Riccardo Minasi joue lui aussi en force.Ce doit être un parti pris car, dans l'enregistrement de Max-Emmanuel Cencic initulé "Venezia" (2013 aussi),  le même chef et le même orchestre jouent d'une façon beaucoup plus nuancée.
Je sais bien que les castrats, du fait de leur conformation physique particulière, avaient une grande puissance vocale. Mais à ce point, et tout le temps, c'est fatigant !
Au surplus, je dois l'avouer, je n'aime pas cette voix...Jaroussky a une voix cristalline de soprano coloratura (bien qu'il puisse descendre assez bas lorsqu'il passe de sa voix de tête à sa voix de poitrine qui est celle d'un baryton). Cencic a une voix de mezzo-soprano, plus charnue, mais capable elle aussi de belles envolées aiguës. Celle de Fagioli est d'un contralto, beaucoup plus grave, ce qui n'est pas en soi un défaut ; mais elle est à mon goût trop épaisse, comme mal dégrossie. Cencic est capable de chanter aussi fort et de descendre aussi bas, mais c'est toujours très raffiné.
Bref, une déception. Ce que je regrette fort. J'aime bien faire des découvertes qui me plaisent, j'aime bien admirer. Ici, ce n'est pas le cas. dommage !
P.S. Le livre-disque est somptueux :  76 pages de texte assorti de nombreuses reproductions en couleurs.

jeudi 10 octobre 2013

Fanatisme et liberté




saint Macaire d'Optino (+ 1860)



O fanatismo obscurece o homem, a verdadeira fé o liberta". - São Macário, de Optina

"Le fanatisme enténèbre l'homme, la vraie foi le libère" . Saint Macaire d'Optino

lundi 7 octobre 2013

Baudelaire était-il augustinien ?


Les modernes sectateurs d'un hyper augustinisme, augustinisme exacerbé qui emprunte bien plus à l'"Augustinus" de Jansénius qu'à saint Augustin lui-même, professent et proclament, tels des prophètes hagards, une exécration de la matière, donc de la chair, donc du corps humain, qui va jusqu'à une extrémité telle que, selon eux, cette matière, cette chair, ce corps humain sont voués à l'annihilation, à l'anéantissement : leur fin dernière, c'est le néant. 

Cette doctrine n'est pas si éloignée que cela de celle des cathares. Même s'ils n'enseignent pas comme ces derniers que la création est l'oeuvre du Dieu malin, ils affirment que la matière, la chair, le corps, sont à ce point gangrenés par le mal, à ce point devenus mauvais par nature, que cela revient exactement au même. 

Cette matière que Dieu déclara bonne quand il la créa, elle est devenue mauvaise, malgré Lui. Cette chair dont Il se revêtit, elle est péché. Ce corps qu'Il ressuscita, son sort véritable est la destruction.

Ces gens-là se prétendent bons chrétiens, et même meilleurs chrétiens que les autres, plus "illuminés". Tout de même que les cathares !

Mais qui ne voit qu'ils réduisent à rien, qu'ils nient, en somme, et la création, et l'incarnation, et la résurrection ? c'est-à-dire les fondements mêmes de la foi et de l'espérance chrétiennes ? Qu'ils réduisent à rien, qu'ils nient l'oeuvre salvifique de notre Seigneur Jésus-Christ ? Qu'ils pervertissent le christianisme ?

Je ne réclame pas qu'on rallume des bûchers pour y réduire en cendres les hérétiques. Je les laisse à leurs flammes intérieures, celles de la déraison et de l'orgueil.

Et je leur dédie ce poème de Baudelaire. Il  fait sarcastiquement 
écho à la même haine de la matière vouée à la putréfaction, mais dans un langage autrement résonnant que leur prose insipide !

 

Charles Baudelaire 



L’EXAMEN DE MINUIT

La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
À nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s’enfuit :
— Aujourd’hui, date fatidique,
Vendredi, treize, nous avons,
Malgré tout ce que nous savons,
Mené le train d’un hérétique.

Nous avons blasphémé Jésus,
Des Dieux le plus incontestable !
Comme un parasite à la table
De quelque monstrueux Crésus,
Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons,
Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau,
Le faible qu’à tort on méprise ;
Salué l’énorme Bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière
Avec grande dévotion,
Et de la putréfaction
Béni la blafarde lumière.

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire,
Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,
Dont la gloire est de déployer
L’ivresse des choses funèbres,
Bu sans soif et mangé sans faim !…

— Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres !